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Destinations: La San Juan - Une Tailwater - Réglementation

La réglementation de la San Juan

Photo de truite de la rivière San Juan, Nouveau-Mexique, USA (Thierry WILLEMS)
Vincent et une jolie truite de la San Juan, Nouveau-Mexique, USA
Une rivière peut avoir le milieu le plus propice qui soit pour la truite, cela n'en fait pas nécessairement une bonne rivière à truite. Il faut pour cela une réglementation adaptée. À ma connaissance, il n'existe que deux systèmes de gestion valables.

Le modèle britannique

Le premier, on le trouve en Grande-Bretagne. À l'exception des régions très peu peuplées, on y limite la pression de pêche par la vente de cartes de pêche à prix élevé. C'est ainsi qu'il est rare de pouvoir pêcher la truite en rivière pour moins de 8 Euros la journée. Ce prix peut dépasser les 150 Euros par jour sur certains parcours. Cet argent sert à l'entretien des parcours de pêche, à leur alevinage, à leur gardiennage et à payer leur propriétaire. Ce système peut nous paraître peu démocratique. Il offre l'avantage d'être assez réaliste. La truite est un poisson à faible potentiel de reproduction. C'est un poisson fragile. La quasi-gratuité de sa pêche est une utopie. On en voit bien les effets en France, dont bien des rivières sont devenues un quasi-désert piscicole. On ne peut pas prélever plus qu'une rivière ne produit. Une mauvaise gestion, fruit d'une réglementation trop laxiste, accompagnée d'un gardiennage trop faible et de sanctions peu dissuasives pour certains, aboutit pourtant à ce résultat. Si l'on veut qu'il y ait de la truite, il faut y mettre le prix. C'est ce que font les Britanniques. Les Américains aussi, mais pas forcément de la même façon.

Le modèle américain

Sur la San Juan, comme sur bien d'autres rivières à truite des USA, un autre système a été mis en place. Il part du même constat: la fragilité et le faible pouvoir de reproduction de la truite. Mais au lieu de faire une limitation de la pression de pêche en limitant le nombre de pêcheurs par l'argent, c'est la réglementation même de la pêche qui limite les prélèvements de truites. Ici la pêche est quasi-gratuite. Rendez vous compte: la carte de pêche à l'année, pour les non-résidents, ne coûte qu'environ 40 Euros. Et pour cette somme, vous avez le droit de pêcher du 1er janvier au 31 décembre, 24h/24! Oui, vous avez bien lu, vous pouvez pêcher toute l'année, de jour comme de nuit! Tout Français qui se respecte doit se dire que dans ces conditions, il ne doit pas y avoir de poissons, ou très peu. Et bien non, il y en a plein justement. Et des très gros. Comment cela? Grâce à une réglementation intelligente de la pratique de la pêche et à une bonne surveillance, le tout renforcé par des sanctions tout à fait dissuasives...

Aval immédiat du barrage

À l'aval immédiat du barrage et sur environ 400 mètres, tout poisson capturé doit être remis à l'eau vivant. Conséquence: ce parcours possède beaucoup de grosses truites, et il n'est pas rare d'y piquer des truites de plus de 60cm. Bien entendu, les hameçons doivent être simples et ne doivent pas comporter d'ardillon, ou leur ardillon doit être écrasé, afin de ne pas blesser les poissons. Il faut remarquer que, depuis les attentats tristement célèbres du 11 septembre 2001, la pêche à l'aval immédiat du barrage est interdite jusqu'à une marque posée sur la berge. L'utilité d'une telle mesure me semble, comme à beaucoup, discutable. On imagine en effet mal qu'un tel barrage puisse sauter. Sa construction avec un énorme enrochement tout au long de sa façade aval doit considérablement le renforcer. Son intérêt pour des terroristes me semble discutable: il n'y aurait pas assez de victimes... On a plutôt l'impression que cette protection a été mise en place suite à une psychose des autorités. Une simple surveillance de la zone aurait sans doute été amplement suffisante, l'accès n'étant pas si facile. Cela dit, attention à ne pas enfreindre l'interdiction: le périmètre est soigneusement surveillé et la sanction peut être très lourde. Souvenez-vous, on est aux USA, pas en France...

Photo de la rivière San Juan, Nouveau-Mexique, USA: Le périmètre interdit est soigneusement délimité. (Thierry WILLEMS)
Le périmètre interdit est soigneusement délimité.

Quality Water

Ensuite, et sur un peu plus de 6 kilomètres, la rivière est classée en "Quality Water", et possède une réglementation spécifique.

Pour commencer, la pêche ne peut se pratiquer qu'avec des hameçons simples sans ardillon ou à ardillon écrasé. On n'est pas obligé de pêcher à la mouche. Mais il est interdit de pêcher avec des appâts naturels. Le but est que tout poisson capturé puisse être remis vivant à l'eau avec le moins de dommage possible. Il faut donc éviter l'ardillon qui blesse forcément la chair du poisson. Et il faut éviter que la truite n'avale l'hameçon, ce qui est malheureusement trop souvent le cas lorsqu'on pêche avec un appât naturel, un appât que la truite trouve naturellement dans la rivière et dont elle ne se méfie pas. Mais vous pouvez parfaitement pêcher au lancer, pourvu que votre leurre (cuiller, poisson nageur et autre) ne comporte qu'un seul hameçon simple et sans ardillon. Il est vrai que l'immense majorité des pêcheurs pêche à la mouche. Seuls quelques pêcheurs pratiquent au lancer. Et tous ceux que j'ai vus semblaient pêcher à l'ultra léger. Ces quelques pêcheurs au lancer ne sont pas très bien vus par les guides de pêche. Pourquoi? Parce que c'est souvent dans leur rang que l'on trouve des individus qui ne respectent pas tout à fait la réglementation. Et parce que la densité de poissons fait qu'il se prend beaucoup de truites par la " manche " quand on pêche au lancer: beaucoup de truites sont harponnées. Ce qui n'est pas bon car les hameçons peuvent alors infliger de graves blessures sur le corps des truites. Enfin, j'ose espérer que vous ne ferez pas le trajet jusqu'à la San Juan pour y balancer une cuiller!

La taille minimum de capture de la truite est fixée à 50cm. Toute truite inférieure à cette taille doit être remise à l'eau. Cela nous semble énorme. Pas pour la San Juan. Pourquoi? Parce que si l'on remet à l'eau toutes les truites qui ne mesurent pas 50cm, ces petites truites vont continuer de se nourrir, de grandir et de grossir. Et elles vont pouvoir se reproduire sans doute plusieurs fois avant d'être conservées par un pêcheur. Avec une telle taille de capture, on augmente non seulement la taille des poissons mais aussi leur nombre. C'est évident.

Mais ce n'est pas tout. Vous n'avez le droit de conserver qu'une seule truite par jour. C'est peu me direz-vous. On notera toutefois que l'objectif des gestionnaires de la rivière n'est pas de nourrir à bon compte la population locale, mais de donner un maximum de chances à un maximum de pêcheurs de s'amuser en pêchant des truites dignes d'intérêt. La plupart des pêcheurs remettent ainsi toutes leurs truites à l'eau.

Pour finir, il faut ajouter que si vous conservez une truite, vous devez immédiatement arrêter de pêcher. Cela peut apparaître aux yeux de certains comme une mesure un peu abusive, à d'autres comme une sanction visant à écarter de la rivière les viandards. Le grand intérêt de cette mesure, c'est de faciliter le gardiennage. Si vous conservez une truite, tous les gens qui vous voient savent que vous devez arrêter de pêcher: les pêcheurs, les guides de pêche, les gardes. On n'a pas à se demander si c'est la première, la deuxième ou la huitième truite, comme en France. Et croyez-moi que ça fonctionne très bien. J'ai vu un pêcheur qui, après avoir conservé une truite, a relancé sa cuiller. Il ne l'a pas fait deux fois. Immédiatement un guide lui a rappelé la réglementation. Comme le pêcheur faisait mine de ne pas très bien comprendre, le guide lui a dit que s'il ne cessait pas immédiatement la pêche, il allait appeler les Rangers. Ça calme tout de suite, croyez-moi.

Un modèle transposable

Rappelons cette réglementation:

- Hameçon simple sans ardillon ou à ardillon écrasé.
- Appâts naturels interdits.
- Taille de capture de la truite: 50cm
- Nombre de captures: 1 truite par jour et par pêcheur.
- Arrêt immédiat de la pêche dès que l'on conserve une truite.

Cette réglementation serait immédiatement transposable sur de nombreuses rivières françaises. Ailleurs, il faudrait peut-être modifier la taille de capture de la truite, du moins dans un premier temps et jusqu'à ce que l'on connaisse mieux le potentiel de croissance des truites. Et l'effet serait sans doute exactement le même. Hélas, il n'existe pas de réelle volonté des pêcheurs, et encore moins de leurs dirigeants...

Photo de pêche de la truite à la mouche sur la rivière San Juan, Nouveau-Mexique, USA (Thierry WILLEMS)
Une bonne réglementation profite au plus grand nombre.
San Juan, Nouveau-Mexique, USA